Madeleine Pelletier

Par Aurore Poncelet

Charles Sowerwine commence ainsi la biographie qu’il consacre à Madeleine Pelletier : « Madeleine Pelletier, une féministe dans l’arène politique, ou la vie originale et tragique d’une femme qui, ayant tenté de s’imposer comme médecin, anthropologue, aliéniste, libertaire, franc-maçonne, socialiste, communiste, antifasciste et néo-malthusienne, finit ses jours, solitaire et oubliée, dans l’asile de Perray-Vaucluse ».

En effet, Madeleine Pelletier, née de parents marchands de fruits et légumes le 18 mai 1874 à Épinay-sur-Orge, était une féministe  « radicale ». 

Dès l’âge de treize ans, elle fréquente des groupes socialistes et anarchistes, échappe à l’autorité de sa mère et remet en question sa vision étriquée des relations hétérosexuelles. Passionnée par l’anthropologie, elle démontre à de nombreuses reprises que ce n’est pas le volume crânien qui détermine les capacités intellectuelles d’un individu. Or, ses collègues masculins sont persuadés que c’est la raison pour laquelle les femmes sont intellectuellement inférieures aux hommes. En 1903, elle devient la « première femme interne des asiles de la Seine » (Charles Sowerwine, Une féministe dans l’arène politique, p. 7) et cherche ainsi à se faire une place dans un monde considéré comme exclusivement masculin. 

Madeleine Pelletier souffre beaucoup de son exclusion politique – après la Révolution, les femmes n’obtiennent pas les mêmes droits que les hommes et sont juridiquement considérées comme des mineures. Ainsi, la doctoresse considère que les femmes doivent être en tout point égales aux hommes : elle rejette l’accoutrement féminin, choisit de porter costume, chapeau rond et pantalon, pratique des avortements alors même qu’ils sont interdits, et fait porter sa voix dans une France qui refuse de donner aux femmes le droit de vote, pourtant acquis dans d’autres pays européens. Elle se présente par ailleurs illégalement aux élections législatives et municipales de 1910 et entre au parti socialiste en 1920. Enfin, elle revendique une virginité « militante » et refuse de se marier, persuadée qu’elle échappe ainsi à la domination masculine. Elle écrit à ce propos : « qu’elle n’est à préconiser que dans la société présente où il n’y a de choix qu’entre la virginité et l’esclavage. Dans une société à base d’égalité sexuelle la femme pourra se livrer aux… plaisirs de l’amour. » (cité par Charles Sowerwine dans Une féministe dans l’arène politique, p. 114, Lettre à Arria Ly du 27 juin 1908).

Selon elle, les femmes seront considérées comme des individus à part entière lorsqu’elles parviendront à rompre définitivement avec les comportements et les habitudes imposées par la société (la femme ne doit plus être considérée comme une mère en devenir, elle doit s’émanciper). Dans son roman autobiographique La Femme vierge, elle écrit ainsi : « Plus tard, lorsque la femme serait affranchie, on pourrait sans doute enfanter sans aliéner sa liberté ». Pas avant. Elle est donc l’une des premières à penser, sans nécessairement le formuler ainsi, la notion de genre. Ainsi, comme le fait remarquer Charles Sowerwine, sa personnalité dérange beaucoup (Une féministe dans l’arène politique, p. 9), et certaines féministes la trouvent bien trop radicale.

Elle a par ailleurs beaucoup écrit : il est donc aujourd’hui possible de retracer l’évolution de sa pensée et de comprendre qui elle était. En effet, elle publie un grand nombre d’essais théoriques, parmi lesquels Le Droit à l’avortement, L’Éducation féministe des filles, ou encore La Femme soldat, et pose ainsi les jalons nécessaires à l’émancipation des femmes françaises. En 1939, à l’âge de 65 ans, elle meurt à l’asile dans lequel elle avait été internée après avoir participé à l’exécution d’un avortement.

Inspirante, Madeleine Pelletier l’est donc pour des raisons multiples : elle n’a jamais cédé devant les nombreux obstacles qu’elle a pourtant rencontré, et a continué de se battre jusqu’à la fin de sa vie pour mettre fin aux injustices que subissaient les femmes de son temps. 

 

Cet article n’engage que son autrice.

           

 

 

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