Natalia Nordman

Par Constance Le Mouzer

Natalia Nordman est une écrivaine russe née en Finlande en 1863 et décédée en 1914. Elle naît de l’union entre un père amiral et une mère noble, tous deux de nationalité russe. Aussi, elle reçoit une éducation de qualité, et apprend à maîtriser les langues ( elle en parlerait entre 4 et 6 différentes), mais aussi les arts, tels que la sculpture, la musique et la photographie, qu’elle pratiquera beaucoup adulte.

Mais c’est dans l’écriture qu’elle trouve son bonheur. Cependant née dans un contexte difficile et extrêmement peu enclin à la présence des femmes dans n’importe quel domaine, elle prend, comme beaucoup, un pseudonyme: Severova. Malheureusement, ses quelques ouvrages n’ont été publiés que dans de très petits tirages, quasiment introuvables aujourd’hui, et donc d’une extrême rareté. On en connaît au moins deux: Pages Intimes en 1910, dans lequel se trouve le récit Maman, et Chaleurs du Paradis en 1913. Elle décède moins d’un an après la parution de ce dernier, atteinte de la tuberculose depuis plusieurs années.

Son ouvrage Maman dénonce la distance qu’a instauré sa mère entre elles, dès son plus jeune âge, comme le faisaient de nombreuses familles aristocrates, en sollicitant des nourrices, des gouvernantes, en somme des domestiques pour s’occuper des enfants. Elle y explique les conséquences d’avoir une nourrice comme unique figure parentale sur la psyché des enfants. C’est peut être de ce ressentiment que naît le refus des conventions sociales chez Nordman.

Par la suite, Natalia Nordman se distingue par ses engagements forts. En effet, elle milite toute sa vie pour l’égalité des femmes, la réforme du mariage, la libération des domestiques et même le végétarisme.

Ce dernier critère interpelle d’autant plus qu’il paraît hors du temps. Cependant, il n’en est pas moins réel: elle arrête de manger de la viande dans un objectif thérapeutique d’abord, espérant que cela la soulagera peut-être des douleurs liées à la tuberculose. Par la suite, elle consomme de moins en moins de produits d’origine animale par compassion et soutien. En effet, entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, la révolution industrielle a déjà eu lieu, l’agriculture se fait de plus en plus intensive et Nordman en prend conscience.

Selon Nordman, la question du végétarisme est essentielle et en lien avec ces idées réformistes, qu’elle veut de pair avec un mode de vie plus naturel. Pour revendiquer cette idée majeure, elle aurait même tenu des conférences, notamment à l’institut psycho-neurologique de Saint Pétersbourg.

Autre réforme que souhaite l’écrivaine: l’abolition du servage des domestiques. Elle sera en partie entendue puis ce qu’en 1861, le tsar Alexandre II fait passer une grande réforme agraire, majeure pour le pays, dans laquelle il maintient cependant la journée de travail à 18 heures. Nordman milite pour une journée de 8 heures.

Féministe et progressiste, elle considère que les femmes et les hommes doivent avoir les mêmes droits. Elle souhaite que les femmes soient reconnues pour qui elles sont en tant qu’individus, et non directement assimilées à leur rôle de mère comme unique finalité. C’est une question malheureusement encore d’actualité aujourd’hui, notamment avec la charge mentale subie par les femmes sur la question de la maternité.

Certains prétendent qu’elle ne se serait jamais mariée par conviction politique, d’autre qu’elle aurait épousé son compagnon Ilya Répine. Le simple fait qu’il y ait débat soulève à mon sens des questions, dans la mesure où, une fois encore, la femme est réduite à son couple, et donc à son conjoint (dans la société hétéronormée dans laquelle on vit).

Il est d’ailleurs important je pense de souligner comment j’ai eu connaissance de l’existence de cette écrivaine: lors d’une exposition dédiée à son conjoint, qui a lieu au Petit Palais actuellement. C’est entre deux tableaux que se trouvait son portrait ( plus haut) avec les deux lignes lui étant dédiées, la décrivant de la sorte ( en substance): “ Natalia Nordman, conjointe de l’artiste pendant 15 ans, progressiste et militante”. J’ai eu envie de lui donner une petite lumière, un statut autre qu’en tant que trophée du peintre, et simple épouse, mais comme la femme hors du commun qu’elle était à l’époque.

Cette femme, comme de nombreuses autres, fait partie des oubliées de l’histoire. Pourtant, elle a écrit, elle s’est faite entendre, à son époque. Mais que nous reste t-il d’elle aujourd’hui? Peu de traces. Malgré mes recherches, je ne suis pas parvenue à obtenir des infos supplémentaires, des extraits de ses romans… Elle continue d’apparaître comme la simple épouse d’un peintre dont le prestige est lui, sans aucun doute reconnu.

Alors, continuons à parler, continuons à écrire. Sur Natalia Nordman, et sur toutes les autres, pour qu’elles apparaissent enfin, dans l’Histoire.

Cet article n’engage que son autrice.

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